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 bittersweet symphony

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Martha Ngwenya

Martha Ngwenya


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MessageSujet: bittersweet symphony   bittersweet symphony EmptyMer 31 Mai - 18:24

lloyd + martha

C’était presque un pèlerinage à chaque fois qu’elle revenait dans les Hamptons. Peu importe la durée de son escale, Martha s’évadait, même si ça n’était que le temps d’une journée, pour aller à l’extrémité de la presqu’ile. Le phare de Montauk était le dernier gardien, solitaire et immuable, qui se dressait sur la pointe des terres. Les plages alentours revêtaient une aura magique aux yeux de la jeune femme et elle ne se sentait jamais aussi bien qu’après une promenade en solitaire, loin des tracas du monde. Le retour se faisait toujours un peu à contrecœur mais la jeune femme se consolait en se disant qu’elle pourrait toujours y revenir si le besoin s’en faisait sentir. Ce jour-là, elle avait profité du fait que sa grand-mère passe des examens à l’hôpital pour échapper à ses responsabilités et fuir vers son refuge battu par les vents. Elle savait que ça n’était que le début, qu’elle était à peine revenue après des années à voyager sur les autres continents, et si elle s’était plus ou moins portée volontaire pour rester auprès de son aïeule, Martha n’en regrettait pas moins l’incertitude de son séjour. Pour combien de temps était-elle là, cette fois ? Des semaines ? Des mois ? Des années ? La santé de sa grand-mère était fragile mais Martha était incapable de déterminer si la dégradation soudaine était le signe avant-coureur d’une lente déchéance dont la mort était la dernière étape ou si la vieille dame allait se remettre, lentement mais sûrement. Avec son caractère, tout était possible, songeait la jeune femme. L’autre raison pour laquelle elle avait accepté cette responsabilité, c’est qu’elle avait besoin de se ressourcer, dans l’espoir de mieux repartir très bientôt – en fonction de l’évolution de l’état de sa grand-mère. Elle se sentait un peu coupable de déjà ressentir le besoin de s’évader mais comme elle ignorait quand serait son prochain jour de liberté, Martha s’échappa en empruntant un scooter à l’un de ses cousins. Elle aurait pu prendre la voiture de sa grand-mère, vu le peu d’usage qu’en avait cette dernière mais Martha n’aimait pas cet engin ostentatoire et préférait le côté plus terre à terre et flexible de l’ersatz de moto. À l’étranger, il lui était souvent arrivé de conduire ces petits bolides et, en un sens, le piloter sur les routes longilignes des Hamptons lui donnait au moins l’impression de repartir à l’aventure, même si ça n’était qu’un leurre.
Sa journée à Montauk fut un délice et elle pouvait sentir sa peau légèrement asséchée par les vents salés et échauffée par le soleil alors qu’elle reprenait la route de Shinnecock Hills. Ses cheveux seraient une torture à démêler mais ça n’était qu’un moindre mal comparé aux bienfaits du grand air que cette journée lui avait procurés. Elle traversa Napeague State Park à une allure modérée, se gorgeant de la vue, unique en son genre, elle devait bien le concéder. Elle avait beau avoir vu des paysages à couper le souffle, en Afrique ou en Amérique latine, le sentiment d’appartenance qui lui étreignait le cœur lorsqu’elle évoluait dans les Hamptons était indéchiffrable. Pourtant, elle avait plus souvent eu la sensation de nourrir une relation d’amour-haine avec les lieux mais celui-ci avait toujours l’art de se dissoudre dès qu’elle y remettait les pieds, pour mieux rejaillir lorsqu’elle s’envolait pour une destination lointaine. Martha ne savait pas à quoi imputer cette sensation mitigée mais elle parvenait à la mettre de côté lorsqu’elle contemplait les plages immenses et les maisons incroyables qui s’égrenaient sur les côtes de la presqu’ile. C’était à croire que cette partie du monde évoluait dans un autre espace temps auquel le commun des mortels ne comprenait rien. La jeune femme peinait souvent à se faire à l’idée qu’elle appartenait à ces lieux autant que d’autres. Toute sa famille maternelle y vivait (ou presque, exception faite d’un oncle qui faisait fortune sur la côte ouest et d’un cousin qui avait émigré au Canada). Pourtant, aux yeux de Martha, cela restait le territoire des Fairchild, pas le sien. Elle avait plutôt la sensation d’être un élément incongru, ajouté par inadvertance, et dont on s’accommodait, parce qu’il le fallait bien. Consciente que les autres n’étaient pas les seuls fautifs, qu’elle avait sa part de responsabilité dans ce déséquilibre et dans cette méfiance réciproque, Martha était bien décidée à faire bonne figure, cette fois. Et puisqu’elle ignorait la durée de son séjour, autant qu’elle s’imprègne des Hamptons et s’y adapte, non ?
Perdue dans ses pensées, Martha traversa Amangasett sur les coups de cinq heures. D’ici une quarantaine de minutes, elle serait de retour dans sa prison dorée et à cette pensée, son cœur se serra légèrement. Elle culpabilisa de considérer l’immense propriété de son aïeule comme une cage aux barreaux invisibles, surtout qu’elle était venue de son plein gré, même si c’était à la demande de sa mère. Elle avait eu envie de demander pourquoi c’était à elle de se sacrifier mais connaissait déjà la réponse : parce qu’elle n’avait pas de situation établie, parce qu’elle était ‘libre’, ironiquement. Libre de se soustraire aux aventures, libre de devenir l’infirmière à domicile de sa grand-mère, un comble quand on avait un diplôme d’ingénieure biomédicale et donc aucune réelle expérience en soins infirmiers. Qu’à cela ne tienne, il n’était pas dit que Martha Ngwenya n’était pas quelqu’un de fiable et s’il fallait qu’elle s’occupe de la vieille dame, elle le ferait, même si ce devait être la dernière chose qu’elle faisait pour les Fairchild. Elle était si concentrée sur les méandres de ses pensées qu’elle faillit manquer la silhouette familière, confortablement installée dans une voiture de luxe. Ah, mais quel odieux mensonge ! Elle aurait reconnu ce port de tête entre mille et même si elle jeta un coup d’œil à son rétroviseur lorsqu’elle dépassa le véhicule à l’arrêt, Martha n’eut pas vraiment besoin de confirmation. Elle fit un détour un peu plus loin pour revenir sur ses pas et, son moteur pétaradant, elle vint s’arrêter au niveau de la voiture de Lloyd.
- Je vois que tu n’as pas changé, tu aimes toujours autant les bolides hors de prix et tape-à-l’œil, lâcha-t-elle sans préambule en posant un pied à terre.
Elle offrit un sourire un peu moqueur au jeune homme lorsqu’il tourna les yeux vers elle et regretta presque aussitôt de s’être arrêtée. Des yeux comme ça, elle n’en avait jamais vus ailleurs, d’une intelligence vive qui était d’autant plus triste qu’elle était rarement mise à bon escient.
- Je pensais que tu serais occupé à briller sur Wall Street, à l’heure qui l’est. À moins que tu ne prennes un repos bien mérité ? Ou es-tu de corvée de famille, toi aussi ?
Martha ne savait même pas pourquoi elle s’adressait à lui comme ça, avec cette familiarité presque trop naturelle, quand leur rupture remontait à des années – et qu’elle n’avait pas eu son mot à dire sur la question.
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Lloyd Sterling

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MessageSujet: Re: bittersweet symphony   bittersweet symphony EmptyLun 12 Juin - 20:38

Il n'est que dix-sept heures tapantes et Lloyd a déjà l'impression d'avoir vécu une journée de quarante-huit heures : un jour normal, en somme, dans la sphère bouillonnante et frénétique de la politique. Il rentre de New York où il rencontrait un conseiller politique éminent, costume d'empereur séduisant taillé sur mesure et s'octroie quelques délicieuses minutes de pure félicité avant de rejoindre son domicile. Non pas le fastueux manoir du patriarche, vide et austère, mais sa villa lumineuse louée pour une durée indéterminée, suffisante pour s'assurer à la fois le contrôle de Leonard et la démission de Bethany. Vaste programme. Peu désireux de subir l'éternelle négativité de son frère aîné (qui persiste à se morfondre sur un passé révolu au lieu de regarder vers l'avenir et tout ce qu'il accepte de lui offrir sur un plateau d'argent, dans sa grande mansuétude) ou bien les attaques nauséabondes du soldat en culotte courte que représente Bethany, le politicien préfère à la villa le confort feutré de sa berline de luxe. "Baissez la vitre arrière, Paul." Il a envie d'une clope. Comme tout homme en contrôle drastique de son apparence, de ses pensées, de son existence mais aussi de celles des autres, ceux qui l'entourent de trop près, Lloyd s'octroie peu d'écarts qui soient réellement nocifs. Il a stoppé (d'accord, drastiquement diminué) les drogues depuis l'incident et maintient fermement les rênes de sa consommation d'alcool : il a passé l'âge des cuites phénoménales qui font naître une armée d'insectes dans son crâne le lendemain. Le jeu n'en vaut pas la chandelle, à l'ère des médias sociaux et de la frustration des gueux de ce monde, les réputations ne tiennent plus qu'à un fil et Lloyd tient à la sienne, lui qui ne vise pas moins que la Maison Blanche itself, d'ici une quinzaine d'années. Grand maximum. Alors évidemment, la cigarette n'a pas sa place dans son univers aseptisé, celui qui noue ses tempes, contracte sa mâchoire et lui file des migraines cauchemardesques desquelles il ne parle jamais. Non, bien sûr, l'esprit sain dans un corps sain, le surhomme propre à Nietzsche, c'est tout ce vers quoi il tend, c'est la façon dont on l'a façonné malgré un carcan trop étroit pour lui. Mais dans l'intimité de sa voiture de luxe, il se grille une clope et expulse un long soupir de soulagement à la première bouffée de nicotine. Non pas par dépendance, il ne fait pas dans cette toxicité-là, mais par lâcher-prise. Certains relâchent la pression en tapant dans un ballon ou dans les gueules moins bien loties, lui se contente de plaisir plus raffinés. Les courbes féminines et illicites, la stratégie d'une partie d'échecs, la douce excitation d'une manche de poker rondement menée ... et la clope. L'empoisonnement volontaire. A l'arrière d'une voiture superbe qu'il ne conduira jamais, incapable de glisser sa silhouette féline derrière un volant sans ressentir la morsure singulière de la culpabilité et la silhouette désarticulée tatouée contre ses rétines, Lloyd fume en consultant des notes confidentielles ... celles de la future audition de Jeff Sessions devant le Sénat. Comme tout bon démocrate qui se respecte, il espère la destitution prochaine du Président. Comme tout politicien de l'ombre, habitué à la mécanique interne des institutions américaines, il sait celle-ci peu probable. Mais ça ne l'empêche pas de suivre cette affaire de près, désireux de savoir qui influencer dans cette affaire et comment servir au mieux son oncle et l'ensemble de minorité démocrate. Et le lobbying s'en retrouve grandement facilité lorsqu'il lui suffit de charmer l'air de rien la terriblement banale directrice de la communication de la Maison blanche. Intermède brûlant contre documents qui le sont tout autant, c'est un deal équitable. Plus concentré sur les volutes de fumée que les minuscules caractères qu'il tient entre ses phalanges, Lloyd laisse échapper un claquement de langue agacé (et acéré) face au vrombissement détestable d'un scooter au loin, qui l'extrait de ses rares rêveries. Il darde un regard métallique, intransigeant, sur la silhouette féminine qui le dépasse et sent son humour ombrageuse se teinter de gris lorsque ledit véhicule fait demi-tour pour ... pourquoi au juste, s'entretenir avec lui ? La plèbe, putain. Toujours le même problème, vous leur tendez une phalange, ils essayent de vous arracher le bras.
Malgré la fenêtre entrouverte, Lloyd n'accorde pas une once de sa précieuse attention à la silhouette postée devant lui, priant pour un malentendu. Mais la voix féminine, subversive, s'élève et il sent une piqûre significative s'emparer de sa colonne vertébrale. Martha. Putain de Martha. Il se plaît à l'oublier bien qu'il en soit incapable, à la pousser dans les recoins sinueux de sa cervelle ingénieusement compartimentée pour ne jamais y songer car le passé ne l'intéresse pas. C'est dans l'avenir qu'il compte passer sa vie, un avenir brillant dans lequel les Sterling ont décidé qu'elle n'avait pas sa place. Le pire ? Si c'était à refaire, même en sachant le vide qu'elle laisserait partout jusqu'à sous sa peau, il agirait de l'exacte même façon. Il en ferait une Iphigénie sacrifiée sur l'autel de sa réussite et apprendrait, à nouveau, à taire ses désirs profonds derrière le masque des apparences. A oublier ce coeur lointain qui n'a jamais aimé qu'elle. Tout est possible lorsqu'on le veut vraiment et Lloyd, le sait. Il s'applique à se taire, à s'annihiler derrière sa seule volonté depuis tant d'années qu'il a presque oublié qui il est réellement, derrière la poudre aux yeux, drapé dans son arrogance démesurée. Martha lui parle et son timbre rauque, reconnaissable entre mille, le désarçonne pour une micro-seconde. C'est sa voix, sa présence impromptue (comme tout homme assoiffé de contrôle, il déteste les imprévus) ou bien sa remarque bon enfant qui lui fait pourtant l'effet d'ongles contre un tableau noir. Elle a tort, Martha. Elle a putain de tort et elle le saurait, si elle avait décroché son téléphone, cette nuit-là. Cette nuit qui a changé toute sa vie et aurait sans doute dévié son existence toute entière, s'il avait pu se confier à elle. Avec elle à ses côtés, il aurait sûrement pris la bonne décision. Assumé ses actes, ou au moins sauvé ce frère jeté sous les bombes. Il ne rétorque rien à sa boutade au goût acide qu'elle ne peut deviner, occupé qu'il est à la déshabiller de ses prunelles électriques, pénétrantes, un vague sourire carnassier aux lèvres. C'est plus facile d'agir comme un con, avec elle. Ça la maintient à distance, à sa place. Loin des remords et de l'envie d'elle qui n'a jamais tari. Mais contrairement aux autres, Martha, il ne s'est jamais contenté de la baiser bien qu'il aime lui laisser entendre le contraire, même si c'est son mensonge le moins crédible. Elle persiste à maintenir une conversation cordiale, familière, comme s'ils étaient des amis perdus de longue date et Lloyd la fusille de ses prunelles supérieures. Il ne fait que dans le feu ou la glace, l'indifférence policée ou les conflits brûlants en privé, pernicieux. Pas dans la fausse sollicitude, lorsqu'elles sortent du cadre des mondanités obligatoires, contractuelles, celles qui régissent sa vie professionnelle. Marta, il aimerait qu'elle le déteste, ce serait plus facile. Il aimerait la voir suivre éternellement la partition pathétique de femme bafouée face à laquelle il agit avec un doigté de chef d'orchestre. Mais la gentillesse érigée en armure ? C'est bien trop efficace. Lui, choisit l'inverse. "Wall street ? Allons, pour qui me prends-tu. Choisir l'argent quand on peut avoir le pouvoir est une faute que je ne pardonnerai même pas à un débutant." Son esquisse reptilienne s'élargit alors qu'il expire sa dernière bouffée de cigarettes. Lloyd n'a jamais souhaité devenir de ces traders hystériques, petits pions d'un argent qui n'est pas le leur, esclaves d'un système qui ne tourne pas réellement entre leurs mains. La domination de l'argent est un leurre que les antichambres des institutions perpétuent délibérément pour taire la toute-puissance du pouvoir. "Toi, en revanche, je te pensais encore en train de crapahuter à l'autre bout du monde façon post-hippie désaxée." Timbre plaisant, presque trop velouté pour les sarcasmes belliqueux qu'il lui jette à la figure, en dénigrant ce qui a de l'importance à ses yeux. Et qu'il a toujours admiré, avant de détester cette absence de chaînes qui lui rappelaient cruellement les siennes : sa liberté. Totale, indicible. "Mais puisque tu sembles décidée à feindre un vague intérêt, Leonard est sorti de prison et je suis là pour m'assurer qu'il n'y retourne pas." Il fixe le visage de Martha, Lloyd, à l'affût de la moindre réaction alors qu'il évoque la situation de son frère à l'aide d'une décontraction aussi évidente que singée, qui n'a rien à faire dans ce contexte. C'est sa faute si Leonard a vécu neuf ans d'enfer, c'est sa faute s'il est bousillé complet, l'ombre de lui-même. Et lui s'en amuse, comme si sa réinsertion n'était qu'un jeu. C'est faux. C'est faux mais choquer Martha, lui rappeler combien il peut être détestable et la seule façon d'écourter une entrevue pour laquelle il n'est pas préparé et qui le déstabilise plus qu'elle ne le devrait. Alors il ne lui retourne pas la question, ne lui demande pas ce qu'elle fait ici ou si elle aimerait aller prendre un verre. Lloyd se contente de la dévisager comme si c'était la dernière fois qu'il détaillait des traits qu'il avait tant embrassés, sans ciller. Sans faire montre d'une faiblesse qui le débectait bien trop.


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Martha Ngwenya

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MessageSujet: Re: bittersweet symphony   bittersweet symphony EmptySam 17 Juin - 17:54

D’instinct, Martha sut qu’elle aurait dû le considérer comme un étranger, que les années qui avaient défilé s’étaient chargées de faire disparaitre le moindre lien entre eux, mais elle en était incapable. Lorsqu’elle regardait Lloyd, elle voyait le garçon dont elle avait été follement amoureuse et avec qui elle avait partagé bien plus que n’importe qui. Ça n’était pas seulement la vie sur le campus qui avait permis cette complicité, même si traverser les mêmes déboires estudiantins avait de quoi rapprocher des gens qui, en d’autres circonstances, n’auraient rien eu en commun. Mais avec lui, c’était autre chose et c’était probablement naïf de sa part mais Martha ne pouvait pas refouler ce qu’elle ressentait. Elle était bien trop en phase avec elle-même, avec ses émotions, pour chercher à les enfouir quelque part, pour les dissimuler à la vue de son entourage. C’était peut-être aussi pour cela qu’elle n’avait jamais ouvertement évoqué son chagrin lorsqu’il avait rompu. Parce qu’à l’époque, elle n’avait pas voulu y croire, parce qu’elle s’était dit qu’il allait lui revenir, quand il aurait eu le temps de réfléchir quelques jours à ce qu’il perdait s’il mettait définitivement fin à leur histoire. L’attente avait été vaine mais Martha n’avait jamais pu se résoudre à offrir ce petit bout d’elle qui, finalement, continuait peut-être à vivre à Yale. Alors si aborder Lloyd avec une telle désinvolture semblait être une erreur stratégique, Martha décida de ne pas changer de tactique. Elle offrit au contraire son plus beau sourire, comme s’ils s’étaient quittés la veille dans les meilleurs termes possibles. Comme si elle avait l’habitude de le croiser lorsque c’étaient des années qui la séparaient de leur dernière rencontre. En y songeant, Martha n’était même plus certaine de se souvenir s’ils avaient seulement échangé un mot la dernière fois qu’elle avait vu Lloyd. En tout cas, leur dernière interaction n’avait pas laissé d’empreinte marquante, la preuve que leur relation s’était délitée depuis longtemps. Mais était-ce alors si mal de sa part de le considérer comme une veille connaissance ? Quelle autre attitude aurait-elle dû adopter, au juste ? Elle ne put toutefois s’empêcher de jeter un coup d’œil au chauffeur installé à l’avant pour ensuite revenir poser le regard sur son ancien amant. Si le mode de vie évident de Lloyd ne la surprenait pas, il restait dur à contempler et un sourire un peu gondolé orna les lèvres de Martha. Elle se demanda s’ils avaient seulement eu quelque chose en commun, tous les deux, ou si leur couple avait été voué à l’échec dès le premier instant. Se serait-elle sentie obligée de se conformer à la façon de vivre des Sterling ou Lloyd aurait-il abandonné des traditions ancestrales pour voyager aux quatre coins du monde avec elle ? La question ne se posait pas, évidemment, et elle se sentit un peu idiote de ne serait-ce qu’y songer mais on ne partageait pas deux années avec quelqu’un sans subir quelques séquelles.
Pendant quelques secondes, Martha regretta son élan spontané. Surtout en décelant le sourire glacial de Lloyd, un sourire qu’elle lui connaissait, avant, mais qu’elle n’avait jamais eu à associer à elle. Cela aussi, apparemment, était relégué au passé. Elle avait rejoint la longue liste de ces indigents qui polluaient l’atmosphère de Lloyd Sterling et la constatation lui broya momentanément le cœur. Puis elle la chassa. Après tout, elle n’enviait rien à l’existence de Lloyd. Ni sa richesse, ni sa popularité. Elle avait aimé son intelligence vive, son don pour trouver les mots – qu’il avait particulièrement acérés, quand il le voulait – son charisme indéniable et elle s’était brûlé les yeux comme les ailes en se frottant à sa personnalité affirmée. Alors, justement parce qu’elle le connaissait dans l’intimité, parce qu’elle n’était pas une employée dans la demeure de son enfance, Martha se garda bien de détourner les yeux et les plongea au contraire dans ceux du jeune homme, haussant légèrement les sourcils, entre attente d’une réponse et légère provocation.
Finalement, en grand seigneur, Lloyd daigna lui répondre et le sourire poli qu’elle arborait se fissura légèrement. C’était même pire que ce qu’elle pensait mais elle ne se démonta pas pour autant et se contenta d’un hochement de tête, comme si elle compatissait. Mais à quoi, au juste ? Cela risquait juste d’envenimer l’humeur visiblement déjà désastreuse du jeune homme. Apparemment, il n’était pas spécialement ravi de la voir, là où elle avait naïvement été contente de l’apercevoir et d’avoir l’occasion de le saluer. Une erreur de débutante, se dit-elle, comme si l’attaque lui était personnellement destinée.
- Ah, bien sûr, le pouvoir, soupira-t-elle simplement avec un léger sourire désabusé, loin d’être conquise par le jeune homme qui lui faisait face.
Elle aurait pourtant aimé que cela suffise à enterrer les émotions que Lloyd pouvait encore faire aisément naitre, rien qu’en apparaissant dans son champ de vision. Il aurait été plus simple qu’elle devienne mielleuse et froide mais ça n’était pas dans sa nature et ça n’était pas Lloyd Sterling qui allait subitement changer cela.  Elle laissa le sarcasme lui couler sur la peau et haussa simplement les épaules. Il était évident qu’il se fichait totalement de la raison de sa présence dans les Hamptons et si être traitée comme une indésirable restait tolérable, elle n’avait aucune envie d’être  pathétique en essayant de gagner son intérêt en lui exposant les déboires de santé de sa grand-mère. Ça n’était pas comme si cela allait l’émouvoir ou l’inquiéter, de toute façon. Peut-être même qu’il trouverait une remarque désobligeante à dire sur les Fairchild et si Martha n’était pas toujours leur plus grande fan, ça ne signifiait pas pour autant qu’elle appréciait qu’on leur crache dessus. Elle seule pouvait les critiquer.  
L’allusion à Leonard fut absorbée avec une sérénité relative et elle acquiesça :
- Comment va-t-il ? demanda-t-elle lorsqu’elle aurait plutôt été tentée de s’étonner qu’il ait accepté une telle responsabilité.
Et s’il était évident que Lloyd n’attendait qu’une chose : qu’elle reparte pétarader loin de son somptueux véhicule, Martha ne se pressa pas. Tant pis si elle ternissait le tableau parfait qu’il s’efforçait de faire gober au monde entier. Elle l’avait suffisamment connu, à une époque qui lui semblait tout à coup particulièrement lointaine, pour savoir qu’il y avait beaucoup plus sous la surface qu’il ne voulait bien le laisser paraitre. Elle trouva cependant dommage qu’il se sente obligé de se comporter ainsi avec elle lorsqu’il aurait dû savoir qu’elle était et restait une oreille attentive s’il le désirait. Ce temps-là était semble-t-il révolu pour l’héritier Sterling et Martha eut un élan de nostalgie en repensant à ce qu’ils avaient partagé et qu’elle n’avait jamais plus retrouvé avec quiconque par la suite.
- Ça n’est pas trop dur à caser dans ton emploi du temps de super ministre ? s’enquit-elle faussement innocemment.
La question aurait plutôt été de savoir pourquoi il le faisait quand elle n’imaginait pas une seule seconde que l’homme auquel elle s’adressait puisse le faire par bonté d’âme. L’ancien Lloyd aurait pu aisément se montrer à la hauteur mais cela cadrait beaucoup moins avec l’homme important auquel elle avait la prétention de s’adresser, visiblement.
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